texte sublime de mon ami Sy Mohamed Ennaji sur :al ‘Ichq (Désir éperdu )
Posté par abc10 le 27 novembre 2013
Al-ishqle ‘ishq proviendrait du nom de la plante dite ‘âshaqa. Celle-ci est plus connue sous le nom de lablab, bryone à fleurs blanches et à baies rouges en grappes grosses comme des graines de poivre. Grâce à ses rameaux allongés, elle s’attache à toutes les plantes qui l’avoisinent. L’image d’un corps s’enroulant autour d’un autre et s’élevant à lui comme mu par un désir puissant est déjà très évocateur. En plus, ses états successifs ajoutent à l’évocation de l’état de l’amoureux transi, « c’est une plante qui, après été verdoyante, devient toute menue pour jaunir. » Une telle image ne suffit pas cependant à faire du‘ishq un mot imprononçable. C’est l’étymologie donnée par Lissân al-‘Arab, que retient in fine Bencheikh comme élément déterminant dans le sort réservé au mot. Selon Ibn Manzûr, en effet, on appelle ‘ushuq les chameaux qui s’attachent à leurs chamelles et n’éprouvent de désir que pour elles. Mais plus encore, on dit de la chamelle en chaleur ‘ashiqat, et l’image donnée d’elle et de son étalon va plus loin qui renvoie aux corps encastrés l’un dans l’autre . Il est vrai que les dictionnaires sont peu bavards à son sujet, Ainsi Ibn Durayde consacre quelques lignes au chaghaf, dont il souligne le lien organique avec le cœur , mais rien au ‘ishq ! Al-muhit fi al-lugha est expéditif et bien d’autres encore le sont. Bencheikh conclut qu’il s’agit là de l’indicible qui suscite le courroux de Ibn Qayyim. Le ‘ishq implique l’exhibition physique de deux désirs, et plus encore celui de la femelle que celui du mâle. Et ainsi « le mot ‘ishq est bien l’expression d’une libido qui entraîne de toute façon l’homme à sa perte : ou elle le jette dans la corruption (da‘âra) et la débauche (fujûr), ou elle le fait sombrer dans la mélancolie (maradun waswâsi); ou enfin s’y oppose une volonté de continence (‘afâf) qui mène à la mort. Il est le désir éperdu d’une jouissance des corps, et c’est cet aspect-là que les théologiens décrivent comme l’expression d’une animalité insupportableVoir mon texte « ishq, le théologien et l’amant » in « Incursions profanes »
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